Mario Draghi succède à J-C Trichet à la tête de la BCE. Trichet était à la tête de la BCE depuis 8 ans (2003) après un brillant parcours d’énarque qui l’avait conduit à diriger le Trésor de 1987 à 1993 puis la Banque de France entre 1993 et 2003. Sous sa direction le Trésor avait notamment pu constater la faillite du Crédit Lyonnais en 1993. Dans l’enquête qui a suivi (Trichet était alors gouverneur de la banque de France), les archives du Crédit Lyonnais ont miraculeusement disparu dans un incendie provoqué par plusieurs départs de feu simultanés en 1996. On voit donc que Draghi prend la relève d’un brillant sujet.

Mario Draghi

Il est vrai que Draghi réalise l’exploit de présenter un parcours encore plus calamiteux que son prédécesseur : il fut VP Europe de Goldman Sachs de 2002 à 2005. Cette banque prestigieuse s’enorgueillit de nombreux fait d’armes à cette époque, notamment d’avoir aidé la Grèce à « préparer » ses comptes pour rejoindre la zone euro. Pour bénéficier des « conseils » de ces génies, les Etats et les entreprises dépensent des fortunes en honoraires et commissions qui représentent l’intégralité du chiffre d’affaires de la banque d’investissement. Les commissions touchées par Goldman Sachs pour l'émission de titres pour la Grèce en 2002 sont estimées à 300 millions de dollars. Bien sûr, depuis 2008, Goldman Sachs achète des CDS sur la dette grecque, c'est à dire spécule sur la faillite prochaine de son client: c'est ce que l'on appelle gagner sur tout les tableaux.

Goldman Sachs, leader mondial de cette « activité », a ainsi déclaré 45 milliards de dollars de revenus en 2009 et 39 milliards en 2010, en pleine crise financière, alors que des ménages américains modestes se faisaient expulser de leur maison. Ces revenus ne sont autres que des commissions sur des transactions diverses et variées dont près de la moitié est consacrée aux dirigeants sous le vocable « compensation and benefits ». Ainsi, pour le seul 2e trimestre 2011, les revenus de la banque ont été de 7.3 milliards de dollars dont 3.2 milliards (soit 44%) pour les dirigeants. Pour les 35 000 employés de la banque, cela pourrait représenter 30 000  dollars par mois et par employé. Bien entendu, il n'en est rien: la distribution est concentrée sur une quarantaine de personnes au sommet de l’organisation. Les dirigeants actionnaires se distribuent aussi des dividendes.

On voit donc que Mario Draghi a cautionné une culture de la prédation économique où un intermédiaire qui voit passer des flux financiers ne peut s’empêcher de les taxer au-delà du raisonnable et du nécessaire. Alors qu’elle devrait être au service de l’économie en assurant une certaine liquidité au capital, la banque d’investissement privilégie l’enrichissement de ses dirigeants, au cœur de cette minorité des 1% qui méprisent les 99%.

En 2005 Goldman Sachs ne publiait pas le montant de ses avoirs dans les paradis fiscaux mais depuis la crise de 2008, elle doit le faire. Entre 2009 et 2010, les actifs de Goldman Sachs aux seules Iles Caïmans sont passés de 23 milliards à 36 milliards de dollars, c’est-à-dire l’équivalent des avoirs de cette « banque » en France ou au Royaume-Uni. Quant à la City de Londres, elle est devenue, aux portes de l’Europe et en toute impunité, la plaque tournante des opérations off-shore qui permettent aussi bien le blanchiment d’argent que l’évasion fiscale. D’ailleurs, sur la soixantaine de paradis fiscaux recensés dans le monde, la moitié sont d’anciennes colonies britanniques : sur une petite île, tout le monde se connait et il n’est pas facile de dénoncer les délits financiers sans risquer sa vie ou devenir un paria.

C’est donc très pratique pour faire prospérer une industrie sur le principe du « pas dénoncé pas pris ». Dans ce sport, Goldman Sachs n’est que le premier d’une longue cohorte : le  groupe de la banque Barclays a plusieurs centaines de filiales dans les paradis fiscaux..

Avec la nomination de Mario Draghi, on voit qu’il ne faudra pas compter sur les dirigeants européens en place pour réformer le système.