En 2004, Patrick Le Lay, alors PDG de TF1, expliquait ainsi la mission sa chaîne de télévision: « Ce que nous vendons à Coca-Cola, c'est du temps de cerveau humain disponible ».
Si notre temps de cerveau disponible est un bien commun, sa capture par la publicité est une forme de tragédie des communaux.
La tragédie des biens communs était le titre d'un article de Garett Hardin paru dans le magazine Science en 1968, décrivant comment l'accès libre à une ressource faisant l'objet d'une forte demande peut conduire à la surexploitation de cette ressource.
Hardin décrit la liberté comme la reconnaissance de la nécessité. En d'autres termes, choisir c'est renoncer.
Nous pouvons collectivement renoncer à exercer notre liberté de procréer au profit d'autres libertés menacées par la surpopulation mondiale.
L'exemple pris par Hardin était un pré communal dans un village d'éleveurs où chacun pouvait amener ses moutons brouter l'herbe. Sans prise en compte de l'intérêt général, chaque éleveur peut être tenté d'amener toujours plus de moutons: bientôt l'herbe disparait et le pré devient un champ de boue.
Les ressources menacées par une tragédie des communaux, outre le libre accès, ont deux particularités:
1) il n'y a pas de propriété individuelle claire sur cette ressource: mon temps disponible exploitable par la publicité ne m'appartient pas car sinon, par définition, il ne serait pas disponible. Il représente l'épargne de temps et d'attention que me laissent mes occupations choisies ou imposées, dont la quantité dépend de l'offre de services que m'apporte la collectivité. De même, l'océan ou le pétrole qui existent depuis des millions d'années peuvent être arraisonnés mais pas légitimement appropriés sans conditions.
2) la ressource est un bien rival: si elle est exploitée ou capturée par un acteur économique, elle n'est plus disponible pour un autre. Le poisson pêché par un chalutier n'est plus disponible pour les autres bateaux. Le temps de la publicité que je regarde n'est plus disponible pour un autre annonceur.
Aucun contenu n'est gratuit. Le coût de la publicité qui finance un article ou une vidéo se retrouve dans le prix d'un produit ou d'un service que nous payons in fine.
Aux coûts directs de production de la publicité et de son support, s'ajoutent ses coûts d'opportunités.
Diffuser à longueur d'année des faits divers criminels packagés en série télévisée au lieu d'informer les téléspectateurs avec des documentaires est un choix trop facile pour TF1 et ses consoeurs.
Ce choix n'est pas sans conséquences sur la capacité de la société à s'adapter intelligemment aux nouveaux devoirs que lui donnent les nouveaux droits du progrès.
Mais, dans le système qui nous est imposé, ni TF1 ni ses annonceurs ne payent le vrai prix pour accéder à ce temps de cerveaux disponibles et se contentent d'en récolter les profits court-termistes.
Le micro-paiement pour un article ou une vidéo qui pourrait rapporter un micro-revenu publicitaire est donc un jeu à somme nulle pour la collectivité, qui donne à chacun plus de contrôle sur sa disponibilité.
En facilitant la mise en place de modèles payants très peu chers, Bitcoin donne les moyens aux éditeurs-pêcheurs et aux internautes-poissons de ne pas subir la tragédie des communaux.