Les banques centrales prétendent réguler l’économie avec le seul processus qu’elles contrôlent vraiment: la création monétaire qu’elles ajustent en jouant sur les taux. Compte tenu de la complexité d’une économie moderne, cela revient à vouloir réduire le tableau de bord d’un avion à un seul cadran et un seul bouton.
Bien évidemment, les effets du réglage des taux ne sont ressentis que chez les agents économiques qui utilisent la monnaie fiat en question, c’est pourquoi les banques centrales, après avoir réussi à imposer graduellement le monopole de leur monnaie, le défendent bec et ongle.
Pour ce faire, ces institutions se consacrent de plus en plus à la propagande. Leurs déclarations, souvent absconses pour le commun des mortels, sont scrutées avec dévotion par des médias vassalisés par leurs principaux annonceurs, les banques.
Comme disait sans rire un banquier central aux journalistes : “Si vous avez compris ma déclaration, c’est que je me suis mal exprimé.”
Pour la propagande, il faut remplacer l’esprit critique et le discernement par la conformité à une pensée de groupe. La préférence pour la croyance plutôt que la preuve est ce qui permet de fédérer un large groupe de gens autour d’un projet.
La croyance est une force centralisatrice. En science physique, on dirait même une force centripète.
La supériorité politique de la croyance sur la preuve, c’est qu’elle se répand dans le groupe sans l’effort que demande l’analyse d’une preuve.
L’évolution darwinienne contribue aussi au succès des croyances comme l’explique brillamment Peggy Sastre à propos de “l’esprit de chapelle”:
“Cet automatisme nous fait juger une idée à l’aune de ce qu’en pensent nos amis, notre parti, notre tribu, et réfléchir à deux fois avant d’en apprécier une qui pourrait les fâcher. En tant que primates conflictuels, n’ayant pas de prédateurs plus dangereux que nos congénères et, à l’inverse, pas de protecteurs plus efficaces que les membres de notre clan, ce n’est bien sûr pas un hasard si notre intellect a pris ce mauvais pli au cours de notre évolution.”
Peggy Sastre, journaliste et essayiste
Le succès planétaire d’idéologies comme, entre autres, le wokisme ou le centralisme monétaire, s’appuie sur cet esprit de chapelle. La croyance est la matrice de l’idéologie : croyance dans des lendemains qui chantent et croyance dans une fin qui justifie tous les moyens, ce qui explique l’inévitable dérive totalitaire des croyances.
Pour le croyant, les résultats intermèdiaires ne comptent pas, le réel est une externalité gênante qui entrave la propagation de sa croyance.
La croyance dans la monnaie fiat ignore complètement les coûts imposés à la société toute entière pour l’opérer et la maintenir. Tout le monde médiatique compare l’utilisation des surplus d’énergie par Bitcoin à l’utilisation d’énergie rare par tel ou tel pays. Mais personne ne rappelle que le système bancaire traditionnel mobilise environ 50 millions de personnes dans le monde.
Sachant qu’un être humain utilise en moyenne 20 MWh par an, la “consommation énergétique” (pour reprendre le terme des lobbyistes) du système bancaire mondial dépasse les 1000 TWh par an, c’est à dire qu’il utilise dix fois plus d’énergie “premium” que Bitcoin (qui lui se contente de surplus d’énergie).
Mais, à l’ère numérique, les frontières entre sphère publique et privée sont brouillées par les réseaux sociaux : chacun devient une star de son entourage et subit les inconvénients de ce nouveau statut.
La réputation devient un enjeu primordial et la pensée de groupe prévaut sur toute réflexion originale. Cet effet est particulièrement sensible dans les secteurs où la réputation n’est que faiblement corrélée aux accomplissements : médias, académiques, politiques.
Le wokisme, cette idéologie de la fin qui prétend marquer la fin des idéologies, consiste à nier le réel dans sa globalité. Ce nihilisme permettrait à l’individu de s’affranchir des contraintes ou des peurs qu’il ou elle ressent. L’expérience scientifique devient ainsi contestable par chacun. Plus rien n’est universellement vrai puisque plus rien n’est vérifiable. L’idéologie woke a supplanté l’esprit critique et la créativité au profit d’une balkanisation de la pensée. Si l’éducation reste le chemin pour s’élever vers une souveraineté du peuple et des individus qui le composent, le wokisme en est l’antithèse en imposant un ordre moral à l’opposé de l’esprit d’ouverture nécessaire à tout apprentissage.
Comme le wokisme, le monopole monétaire se doit de contrôler la pensée et la parole publique pour esquiver tout débat qui pourrait le remettre en question. Le centralisme monétaire soutient le monopole de la création monétaire comme fondement de l’action publique et creuset d’un destin commun autour d’une monnaie.
La monétisation de l’énergie future de tout un peuple par la promesse du remboursement d’une dette s’accommode mal d’une concurrence des monnaies.
Une forme de concurrence existe entre les monnaies monopolistiques (fiat) mais les tensions géopolitiques qui en résultent paraissent suffisamment lointaines pour que le peuple ne fasse pas le rapprochement.
Une concurrence véritable avec une monnaie décentralisée comme Bitcoin serait d’autant plus redoutable qu’elle révèlerait à la fois les défauts de la création monétaire illimitée et ceux de la centralisation au profit d’une oligarchie.
Bitcoin est déjà en concurrence avec les monnaies à preuve d’enjeu qui se multiplient. Si l’enjeu consiste en coins PoS, ceux qui possèdent le plus de coins ont un avantage sur les autres participants : il faudrait leur racheter des coins pour contester leur dominance.
C’est toute la différence avec la preuve de travail qui est une preuve d’enjeu énergétique : le mineur fait un dépôt quand il paye sa facture d’électricité et le récupère quand il vend ses bitcoins.
Sur un réseau PoW, si un groupe de mineurs devient dominant, n’importe qui peut acheter du matériel de minage et sourcer l’énergie la moins chère sans demander la permission à personne.
La preuve de travail est donc bien une forme supérieure de preuve d’enjeu car elle résout deux problèmes interdépendants inhérents à la preuve d’enjeu:
- tendance à la centralisation
- création monétaire illimitée en l’absence de coût d’émission, favorisant l’inflation.
Bitcoin résout ces problèmes, sans compromettre sa décentralisation, tout en établissant un prix plancher pour les énergies renouvelables, ce qui tend à équilibrer leur chance dans la concurrence avec les énergies fossiles.
Pierre Noizat, juillet 2022