Nul ne conteste l'évidence de la multi-modalité comme gage d'efficacité et de résilience de nos systèmes de déplacements: les transports administrés tels le train, le bus ou l'avion complètent les moyens de transport individuels que sont la voiture et le vélo.

Multi-modalité
Multi-modalité et intermodalité dans les transports: c'est aussi une évidence dans le domaine monétaire

Pourtant , dès lors qu'il s'agit de nos échanges économiques qui transfèrent une somme monétaire d'un point A à un point B, il faudrait que nous soyons contraints d'utiliser un seul système monétaire centralisé comme l'euro. La contre-partie de ce monopole accordé à
l'euro devrait être la transparence et la responsabilité. Or nous n'avons ni l'un ni l'autre.

Jusqu'à l'émergence de bitcoin, les monnaies complémentaires peuvent être critiquées
pour leur manque d'efficacité. Leur rayonnement est soigneusement limité par le code monétaire et financier. Ce code est rédigé par des juristes sponsorisés par les banques et adopté par des élus largement dépendants du système bancaire pour le financement de leur campagne et la réalisation de leurs promesses électorales.

Redonner sa place à l'intérêt général

Le mythe d'un contrôle de la puissance publique sur le système monétaire masque mal la
réalité inverse: la prise de contrôle du pouvoir de l'argent sur le pouvoir politique. Ce mythe est entretenu dans les médias par une communication complaisante envers le système bancaire qui bénéficie d'un temps de parole sans commune mesure à celui accordé aux partisans de la multi-modalité monétaire.

Les tentatives de diabolisation de la technologie bitcoin dans les médias qui ont pour principaux annonceurs les banques attestent de la réalité de la menace qui pèse sur le statu quo. Car les banques centrales voudraient que rien ne change: la mainmise sur les moyens de paiement et l'émission du crédit est bien trop profitable pour accorder sa juste place à une telle innovation de rupture.

Mais il y a un avant et un après l'invention de Bitcoin. La réalisation d'un système monétaire décentralisé à travers l'émergence du réseau Bitcoin a révélé l'obsolescence du vieux concept de monopole monétaire centralisé, incarné par l'euro, le dollar et le yuan. Le découplage du pouvoir politique et des intérêts financiers devient possible pour redonner sa place à l'intérêt général.

La pluralité monétaire : une exigence politique

Cette révélation de la multi-modalité monétaire comme une exigence démocratique s'appuie sur quelques constats simples, longtemps occultés par l'absence d'alternatives crédibles au monopole. D'une part, la "monnaie" circule désormais essentiellement sous forme de transactions électroniques qui s'enregistrent dans les bases de données des banques. La circulation sous forme de billets et de pièces est un coûteux héritage du passé, devenu marginal et destiné à entretenir le mythe du "contrôle " de la puissance publique sur la monnaie.

D'autre part, l'argent-dette est créé ex-nihilo par la banque lorsqu'elle émet un "crédit". Il suffit au
banquier d'inscrire le montant du prêt simultanément à l'actif et au passif de la banque. A l'actif, il représente la somme qui doit être remboursé par l'emprunteur à la banque. Au passif de la banque figure le même montant car il a été déposé sur le compte de l'emprunteur: le solde positif de ce compte est une dette de la banque à l'égard du titulaire du compte. Ce tour de passe-passe comptable permet la création monétaire par les banque privées.

Les remboursements des prêts sont une destruction monétaire qui vient réduire la masse monétaire en circulation. Evidemment, les émissions de prêts, très rémunérateurs pour les banques, excèdent largement leurs remboursements, de sorte que la masse monétaire est en augmentation constante, exponentielle et difficilement contrôlable.

La monnaie est donc aujourd'hui complètement virtuelle, qu'il s'agisse des bitcoins ou des
euros: le vocable est pourtant employé de manière sélective par les banquiers pour
désigner toute alternative à leur monopole.

La fin du monopole des banques

Qu'est ce qui change avec bitcoin ? Bitcoin ne s'appuie pas sur le principe de l'argent-dette mais sur le modèle mathématique d'un métal précieux: la quantité de bitcoin pouvant circuler sur le réseau est limitée par le protocole bitcoin à une valeur maximale arbitraire de 21 millions de bitcoins. Comme chaque bitcoin est divisible pratiquement à l'infini, cette convention ne limite en rien la capacité du réseau bitcoin à traiter un très grand volume de transactions.

Tout bitcoin ou fraction de bitcoin composant le montant d'une transaction trouve son origine dans une transaction précédente, dite transaction de génération, qui crée 25 bitcoins. Ces transactions interviennent toutes les dix minutes et les bitcoins générés sont distribués par un algorithme complexe aux noeuds du réseau qui vérifient et relaient les transactions.

Parce que tout le monde peut participer ainsi librement au réseau bitcoin, cette technologie change notre rapport de négociation avec les banques, jusqu'à présent entièrement dominé par le banquier pour tous nos échanges économiques.

De même que, grâce à l'email, nous utilisons les services de la Poste lorsqu'ils nous sont
vraiment utiles, nous pourrons désormais décider de passer par la banque seulement quand elle aura une valeur ajoutée réelle.

Le bitcoin, plus pratique et plus sécurisé

Dans la plupart de nos transactions effectuées dans un contexte connu et pour des montants limités (commerce de proximité, amis, famille, etc), la technologie bitcoin sera préférée pour des raisons pratiques et politiques.

Sur un plan pratique en effet, les commissions de transactions sur le réseau bitcoin sont fixées librement par le payeur qui peut les mettre à zéro. Et contrairement à un virement bancaire ou un paiement par carte bancaire, une transaction bitcoin est diffusée en quelques secondes sur le réseau.

Au plan politique, le citoyen préférera un système de paiement comme bitcoin qui lui laisse maîtriser la divulgation des données de transaction plutôt que la capture systématique de ces données par des multinationales...Mais il cherchera aussi à favoriser le découplage entre le système politique et le monopole monétaire, pour le plus grand bien de la démocratie.

Post publié initialement dans latribune.fr le 19 aout 2013.