L'excellent livre de Yuval Noah Harari, publié en anglais en 2014, reste une lecture très recommandable pour situer l'invention de la monnaie dans les 2.4 millions d'années de présence du genre "homo" sur cette planète.
Il nous rappelle utilement que, dans son genre humain donc, l'espèce "Sapiens" a coexisté longtemps avec d'autres espèces humaines comme Néanderthal et Floresiensis.

Groupe de NéanderthalsNéanderthals

Selon l'auteur, si Sapiens a supplanté ces autres espèces au point de les faire disparaître, c'est sans doute grâce à une révolution cognitive, qui lui a permis d'introduire l'abstraction dans ses échanges verbaux, autrement dit l'acquisition de la capacité à raconter des histoires: la "politique" est sans doute née il y a 50 000 ans..
Cette capacité a permis de fédérer des groupes de grande dimension, au-delà de 150 individus, alors que les espèces incapables d'abstraction, comme Néanderthal, limitaient leurs interactions "concrètes" à des groupes de quelques dizaines.
Dès lors, avec ou sans violence, ces autres espèces humaines ont pu être marginalisées au point de s'éteindre, comme les mammouths ou les aurochs.
Très subversive aussi l'observation que les institutions et les entreprises, tout comme la monnaie, sont des abstractions créées par consensus, des abstractions inter-subjectives, ce qui ne diminue en rien la réalité et la force des effets que ces consensus peuvent produire.
Il devient extrêmement difficile de se défaire de ces "croyances" car elles se développent en réseaux inter-connectés les uns avec les autres, parfois même emboîtés comme des poupées russes, telles les croyances dans l'Etat, la Justice et la Police.
Ce réseau de concepts abstraits forme un ordre imaginaire composé d'institutions bien réelles, puissantes et très résilientes car ancrées dans nos consciences dès notre plus jeune âge.

D'un point de vue scientifique, toute croyance collective peut s'analyser comme un réseau avec une topologie et des rôles pour classifier les participants ainsi que des règles pour le faire fonctionner.

Code d'Hammurabi

La structure de réseau la plus ancienne car solution de facilité est la structure hiérarchique: le code d'Hammourabi gravé en écriture cunéiforme à l'époque de l'empire sumérien, il y a 3700 ans, décrivait déjà 3 classes, les êtres supérieurs, les communs et les esclaves, avec des droits variables suivant la classe et le genre.
Ce n'est sans doute pas par hasard que la roche de basalte servant de support à ce monument de stupidité (oeil pour oeil , dent pour dent, etc..) a la forme d'un doigt d'honneur.
Cependant, à l'époque, ce code permettait aux babyloniens de coopérer dans un ordre imaginaire certes, mais accepté par tous car fondé sur une mythologie de dieux qui l'auraient créé et rendu ainsi indiscutable.

La monnaie nous fournit un exemple contemporain d'ordre imaginaire, qui crée en gros les mêmes classes que le code d'Hammourabi, les 1%, la classe moyenne et les esclaves (au salaire minimum ou au RSA).
Dans ce cas l'histoire racontée pour maintenir la croyance ne fait plus appel aux dieux mais simplement à une idéologie politique: le code de la monnaie fonctionnerait si bien que, magiquement, chacun en recevrait la quantité correspondant à sa classe.
Dans cette pensée ultra-libérale, la classe de chacun serait déterminée par ses capacités (innées) et son obédience aux règles des affaires.
La monnaie traditionnelle crée aussi la classe des banquiers (ceux qui ont le pouvoir de créer de la monnaie grâce à une licence bancaire, cooptés parmi les membres de la classe des 1%) et la classe des utilisateurs, utilisateurs appartenant à la classe moyenne qui peuvent emprunter la monnaie traditionnelle avec intérêts pour des projets immobiliers ou appartenant à la classe des esclaves qui n'a droit qu'aux crédits à la consommation avec des taux d'intérêts maximum.